15 Avril
2014
Les dauphins Toninos accompagnent le bateau sur les eaux ventées du Détroit de Magellan. Une demie heure de traversée plus tard, nous voilà enfin sur la plus grande île des Amériques. La Terre de Feu.
Les dauphins Toninos accompagnent le bateau sur les eaux ventées du Détroit de Magellan. Une demie heure de traversée plus tard, nous voilà enfin sur la plus grande île des Amériques. La Terre de Feu.
Magellan la nomma ainsi quand il vit
les peuples aborigènes entretenir des feux dans les canoës pour se
réchauffer. (C'est qu'ils étaient tout
nus aussi!)
Cerro
Sombrero, l'une des plus grosse bourgade chilienne de l'île... Une poignée
d'habitations sommaires accrochées à une colline. De son sommet qui domine les
alentours, un paysage de steppe immensément vide se dévoile. Les carabineros
nous apprennent que le passage frontière le plus au sud que nous voulions emprunter
pour rejoindre l'Argentine est fermé à cette époque de l'année. Déçus, nous
décidons tout de même de faire une boucle dans cette contrée la plus sauvage de
l'île.
Au petit
matin, après une nuit fraiche comme à l'accoutumé... Nous rejoignons la côte
Ouest par Onaisin.
Le vent qui nous à secoué toute la nuit s'est
encore amplifié.
La steppe que nous
traversons est vouée à l'élevage ovins, les moutons, depuis les années 1880.
Industrie qui permis le développement de la colonisation de cette terre
inhospitalière. Elle engendra en Terre de Feu comme en Patagonie (y compris le
parc des Torres del Paine) une
déforestation massive.
Industrie
qui orchestra dans le même temps, le génocide des 3
tribus natives de la région (Les Onas,
Yamanas et Alakalufes, environ 10
000 habitants au XVI siècle): L'abattage sans discernement de la base
alimentaire des indiens n'étant pas assez efficace, les trusts étrangers (qui
contrôlent les élevages et les mines) et le gouvernement Argentin, en 1879,
engagèrent des tueurs à gages qu'ils rémunéraient 1 livre sterling l'oreille...
Epoque charmante...
Nous
croisons quelques estancias, des milliers de moutons gardés par des cavaliers
aux allures de gaucho affrontant le vent et le froid avant d'atteindre la côte.
Le vent
n'a pas faiblit, le froid est saisissant, même dans la voiture, qui il est vrai
n'a pas de chauffage... On s'en accommode comme on peu depuis des semaines mais
le manque commence à se faire sacrément sentir...
La piste
suit la côte au niveau de la mer pour un temps puis le paysage change. Des falaises
se dessinent, quelques hameaux sont nichés dans de profondes baies, à l'abris.
Plus tard,
nous bifurquons vers l'intérieur, montagneux. Prés et moutons se font plus
rares à mesure que nous prenons de l'altitude, laissant place à de plus en plus
d'arbres. La faune sauvage, guanacos et nandous, se dévoilent enfin aux creux
des vallées.
Les
essences natives façonnées par les vents violents ne poussent pas bien haut.
Les branches et les troncs sont envahis d'une espèce invasive, ressemblant aux
lichens ou aux cheveux d'anges. Si
séduisantes qu'elles sont, elles finissent par tuer leurs hôtes en les
étouffant...
Plus loin
sur la route, vestige d'une fièvre de l'or au début du siècle, une drague
démesurée git au fond de la vallée. Un mince ruisseau contourne la barge.
Difficile d'imaginer qu'une rivière fit son chemin ici, pourtant l'embarcation
nous le rappelle !
Nous
sommes à la scierie de Rusfin, perdue au beau milieu de cette contrée vierge et
retirée. D'un côté, l'envie de rejoindre les hautes montagnes et les fjords
isolés du sud de l'île qui nous attirent tant mais qui sont encore très loin, de
l'autre, le réservoir est au 3/4 vide et le prix du carburant à la scierie est
exorbitant. Le passage frontière ouvert est situé à des heures de pistes, tout
au nord et nous sommes seuls, sans nos amis, en cas de pépins...ce qui est loin
d'être rare... Sans parler de la météo... Nous remontons donc plein nord en
longeant la frontière Argentine à travers des paysages exceptionnels.
En fin
d'après midi, nous traversons la frontière sous une tempête de neige. Nous
arrivons de nuit à Rio Grande, sur la côte Atlantique. Nous nous installons sur
la plage, le vent violent nous berce. Il fait -6 degrés... On s'effondre.
Réveil en
sursaut à 3h du matin, 4 jeunes ont enlisés leur voiture non loin de là. J'
irais les sortir de ce faux pas après avoir récupéré la corde sur la galerie.
Un plaisir non dissimulé par ce froid terrifiant...
Le 18
Avril, nous quittons la petite ville de Tolhuin sur les bords du lac Fagnano.
C'est un peu la limite, côté Argentin, entre la steppe et la montagne. La
cordillère andine, colonne vertébrale de l'Amérique du sud, se montre ici pour
la dernière fois avant de disparaitre sous l'Atlantique. Les sommets, plus bas,
n'en restent pas moins impressionnants. Le JunglePaj pose ces roues pour la
première fois sur un épais tapis de neige, lui qui n'avait connu avant nous,
que les bains de boue de latérite ocre de Guyane.
C'est tout
excités que nous arrivons à la ville la plus australe de la planète, Ushuaia.
Elle fait face au canal de Beagle et à l'ile Navarino, l'île chilienne qui abrite Puerto Williams et
à qui Ushuaia a volé la vedette... Mais Puerto Williams n'est qu'un village..
s'empressent de dire les Argentins. Pas faux, un village qui accueille
aujourd'hui une clientèle de luxe, hors budget, pour notre voyage au long
court.
Bien que
très touristique, Ushuaia, adossée à la montagne dans ce cadre féerique à un
charme fous. Nous cherchons en vain un camping, mais l'hiver approchant, ils
sont tous fermés. Dans le centre, un hostel de voyageurs, tenu par des
argentins baroudeurs, nous autorise à utiliser leurs cuisine et douches
gratuitement. Un service qui par un temps pareil est une bénédiction. Non
contente de se retrouver toute seule, la voiture se vengera en ne voulant plus démarrer. Gisele et Alessandro, les propriétaires de
l'hostel, revivant dans nos galères, des anecdotes passées, nous laissent libre
d'utiliser a volonté les services des lieux.
Nous partageons de très bons moments avec des backpackers du monde
entier qui nous permettent d'attendre sereinement le Lundi 21 Avril, en oubliant un peu nos galères à 4
roues. Galère minime qui sera heureusement rapidement résolu.
Le 23,
c'est jour de retrouvailles, Benoit et Fabienne arrivent en ville. En les attendant
, nous rencontrons 2 patriotes, Flo et JB qui démarrent de ce bout du monde un
périple qui les conduira à vélos jusqu'à
Mexico.
Nous
passons la journée suivante au Parc National d' Ushuaia. De petites vallées
encaissées, des tourbières, des forêts et des vues superbes sur le canal de
Beagle. Une faune présente, dont des renards quasi apprivoisés et
malheureusement un tarif de tourisme de masse... En fin d'après midi on tente
avec Benoit un coup de pêche, sans résultats. Le soir, nous fêtons allégrement
nos retrouvailles, ainsi que nos 6 mois et leurs 3 mois de voyage. C'est bien
éméchés que nous quittons les lieux en douce à une heure tardive pour ne pas
s'affranchir d'un droit de passage réellement scandaleux.
Courte
nuit sous le glacier Martial en amont de la ville. De menu réparations, dont le
chauffage, prendrons tout le temps de cette belle journée du 25 Avril où nos
pensées s'égarent. La terre chaude et humide, la terre rouge de Guyane, toute la
vie et les souvenirs qu'elle porte nous reviennent en mémoire. Il y a
exactement 6 mois nous traversions la foret amazonienne à l'aube d'un voyage
longtemps rêvé qui soudain se réalisait. 6 mois d'aventures, de découvertes,
d'imprévus, de rencontres. 6 mois de vie condensée, de conditions parfois
extrême, de précarité, de bonnes et de mauvaises surprises. 6 mois d'émotions. 6
mois d'adaptation climatique aussi... qui nous permettent de supporter aisément
les caprices de la météo et les températures polaires actuelles, si loin de la
chaleur étouffante de l'Amazonie...
On se
rendra le soir de l'autre côté de la baie d'Ushuaia, vers Playa Larga.
Le
lendemain, nous ferons le plein de boue en crapahutant jusqu'à la Laguna Esmeralda,
tapie au creux des dernières vertèbres du continent.
Dans
l'après-midi, nous partons plein Est, à la rencontre du bout du monde, de la
fin de la route. La sensation est bien là, grisante. Loin de l'agitation de la
ville, sur la piste la plus australe de la Terre de Feu, on s'y croit, on y est
!
Le 27,
nous atteignons le bout de la route. Piste superbe qui suit les méandres des
criques, des montagnes, traversant les forêts et les domaines des estancias les
plus vieilles de l'île. Au bout, un poste militaire y est installé. Après le
poste, il faut continuer à cheval et avoir du temps... Au moins 2 semaines,
nous dira le vieux paysan, voisin de l'armée, pour faire le tour de la pointe
et rejoindre le premier bled sur la côte Nord... Nous, on se contentera de
s'installer non loin de là sur la plage. Il fait beau et faute de poisson, on
fêtera l'étape avec des boudins cuits au feu de bois.
Au loin déjà,
dans nos têtes se profile la chaleur. Aucun de nous n'a envie de trainer plus
longtemps si près des icebergs du pôle sud. C'est donc à toute vitesse que nous
repartons côté chilien. Là bas, nous attendent, impériaux, une vingtaine de
retardataires de la migration annuelle. Dernier rappel du froid dont on veut
s'extirper, nous saluons les Pingouins Empereurs, majestueux sur leur petite
île.
Le 29
Avril, nous sommes de retour sur le continent. Psychologiquement c'est déjà
énorme...
Y a plus
qu'à remonter, non ?
C'est enivrant toute cette nature aux couleures si vives et formes etrangement scultées par le vent
RépondreSupprimerDe bons plats surement três sain et des pingoins en queue de pie , neuds pap et becs aux couleures chatoyantes
On sent bien que l'homme n'a encore rien detruit dans cette region si retirée et c'est tant mieux !!!
Encore um grand BRAVO pour ces photos et comentaires toujours aussi interessants
Gros BISOUS
Toujours aussi belles et dépaysantes ces photos (surtout 'feuilletées' de mon bureau avec vue sur le réseau ferré sud-parisien :-) ) ... vivement la suite !
RépondreSupprimerPS: pas de pingouins dans l’hémisphère sud, fussent-ils royaux ou empereurs mais bel et bien des .... manchots ( penguin pour les anglo-saxons). Les pingouins français se trouvent sur le littoral breton par exemple et ils ... volent (sic) :mrgreen: